Fin des clauses de désignation en santé et prévoyance dans la branche boulangerie- pâtisserie ?
Vers la fin des clauses de désignation en santé et prévoyance ?
La Cour de Cassation a rendu deux arrêts défavorables le 7 mars dernier au dossier sensible de désignation d’un organisme pour la branche de la boulangerie
Ces deux arrêts sont relatifs à la clause de désignation en santé au bénéfice d’AG2R La Mondiale au sein de la convention collective de la boulangerie-pâtisserie (IDCC 843), mise en place par l’avenant du 24 avril 2006 (étendu le 16 octobre 2006). Cette désignation a été prolongée par l’avenant du 27 mai 2011 (étendu le 23 décembre 2011), antérieurement à la décision du Conseil constitutionnel du 13 juin 2013 mettant un terme à ces clauses. Et par la suite reconduit en 2016.

RAPPEL DES FAITS :
L’arrêt 335 est relatif à une demande d’AG2R Réunica Prévoyance contre la boulangerie Jacquier, qui refusait de rejoindre l'organisme complémentaire désigné (Jacquier n’était pasadhérente d’une organisation d’employeurs signataire de l’avenant). Le groupe avait saisi untribunal de grande instance le 6 janvier 2012 pour obtenir l’adhésion de la société et le paiement des cotisations dues depuis le 1er janvier 2007, date d’entrée en application de l’avenant. Il attaque ainsi, pour obtenir cette régularisation, une décision de la cour d’appel de Chambéry du 30 septembre 2014.
AG2R La Mondiale a délivré une argumentation en trois points, reprenant les grandes lignes évoquées à nouveau par l’avocat Jacques Barthélémy fin 2016. Premier point : la décision du Conseil constitutionnel du 13 juin 2013 n’aurait prononcé l’abrogation des clauses de désignation «que pour l’avenir» et ne serait donc «pas applicable aux contrats pris sur ce fondement» - maintenant par la même l’ensemble des désignations préexistantes. Second point : la non-obligation de transparence quant à la désignation par les partenaires sociaux d’un organisme de gestionnaire d’une complémentaire santé. Dernier point : que cette même obligation, au mieux, «n’implique pas qu’intervienne une mise en concurrence ou un appel d’offres».
La Cour de Cassation n’a toutefois pas la même interprétation, se basant notamment sur l’arrêt du 17 décembre 2015 de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Le Conseil d’Etat, saisi sur le dossier Beaudout (boulangerie), avait décidé de ne pas statuer et de poser à la Cour de Luxembourg, qui avait jugé comme contraire au droit européen cette extension du 23 décembre 2011, «sans que la réglementation nationale prévoie une publicité adéquate permettant à l’autorité publique compétente de tenir pleinement compte des informations soumises, relatives à l’existence d’une offre plus avantageuse». Consécutivement à cette décision, le Conseil d’Etat avait ainsi considéré que cette publicité adéquate n’avait pas eu lieu et annulé l’extension.
Sur la base de ces deux décisions, la Cour de Cassation rejette le pourvoi d’AG2R La Mondiale et estime que l’arrêté d’extension du 16 octobre 2006, simplement précédé de la publicité prévue à l’article L. 133-14 du code du travail, est «incompatible avec les règles issues du droit de l’Union tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne» et doit voir par conséquent son application «écartée en l’espèce» !
L’arrêt 349, toujours à propos des clauses de désignation dans la boulangerie, voit de son côté AG2R La Mondiale dans la position du défendeur, vis-à- vis d’un arrêt de la cour d’appel de Besançon du 18 juin 2014. Cet arrêt est attaqué par un certain Pascal X, condamné à une régularisation des cotisations dues à AG2R La Mondiale depuis le 1er janvier 2007.
Cet arrêt considérait, tout en reprenant les éléments de l’histoire suscitée, que la désignation visée devait être analysée «à la lumière des contraintes particulières imposées aux entreprises
susceptibles d’être mises en concurrence et de la situation du secteur d’activité concerné» et qu’à cet égard, «l’appartenance de AG2R Prévoyance, institution de prévoyance faisant partie du groupe qui gérait le régime de retraite complémentaire obligatoire des boulangers (ISICA) et le régime de prévoyance des risques décès-incapacité- invalidité dans la même branche (ISICA Prévoyance) constitue un critère objectif de choix pour la gestion du régime complémentaire du risque santé» - sans oublier, également, que l’Etat avait effectivement procédé à l’extension de l’avenant du 24 avril 2006. Une argumentation qui, note la Cour de cassation, est remise en question par l’arrêt du 17 décembre 2015 de la CJUE.
Et la chambre sociale de la Cour de Cassation de souligner l’évolution de sa position sur le dossier, rapport à un précédent arrêt de 2015 sur le dossier Jacquier : elle considère donc,«évoluant par rapport à sa jurisprudence antérieure», que l’application de l’arrêté du 16 octobre 2006 devait être écartée en l’espèce et rendu ces deux décisions défavorables à AG2R La Mondiale, pour ces deux affaires désormais renvoyées devant la cour d'appel de Paris.
Source l’argus de l’assurance 08/03/2017